Editions Jorn, littérature occitane contemporaine

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Langue d'òc, langue de poésie

Philippe Gardy

On a souvent dit que les troubadours occitans, au Moyen Âge, avaient contribué de façon décisive à l'éducation sentimentale de l'Europe en exaltant dans leurs "chansons" les vertus d'un amour renouvelé. On devrait dire aussi qu'ils ont su aller à la découverte des mots et des musiques d'une langue encore dans sa prime jeunesse. De cette langue, ils ont fait, pour longtemps, le véhicule par excellence de la poésie. L'amour des troubadours n'est-il pas d'abord l'amour de ces mots occitans dont, à l'image de Raimbaut d'Orange dans la "flors envèrsa", la fleur inverse, ils ont alors tiré les effets les plus inouis ?

Aux XIIe et XIIIe siècles, les troubadours ont placé cet amour multiplié sous le signe du printemps : le renouveau de la nature et le renouveau de l'amour allaient pour eux de pair avec le renouveau de la poésie, paroles et musique étroitement liées. A ce printemps des mots, depuis, les poètes d'oc n'ont pas cessé de convier leurs lecteurs et leurs auditeurs, sans doute parce que de siècle en siècle, à l'exemple jamais tout à fait oublié des troubadours, ils ont sans relâche voulu renouer avec la beauté du monde que les mots de leur langue reflétaient et faisaient résonner.

La langue d'oc, depuis le temps des troubadours, a certes perdu de son prestige ; elle est aujourd'hui moins utilisée ; mais elle demeure présente et vivante, dans la continuité de tous les chants dont elle a été porteuse et dont elle a retransmis les échos. Dans la voix de chaque poète se renouvelle ainsi le miracle de cet accord entre les mots et le monde, comme au premier jour.

Quand Max Rouquette nous conduit aux origines de notre monde en nous initiant aux secrets végétaux de la garrigue et à ses singulatités minérales, il nous révèle les pouvoirs d'une langue dont les ruines du château d'Aumelas, jadis hantées par Raimbaut d'Orange, ont conservé intacts les timbres et les couleurs. Quand Bernard de Ventadour, aux XIIe siècle, évoquait le vol de l'alouette (la lauseta), il célébrait aussi ce chant de la langue que d'autres, aujourd'hui, sous le signe du même oiseau (devenu calandreta), non seulement perpétuent, mais rajeunissent une fois encore à travers les écoles occitanes.

C'est ce chant du monde que porte la langue d'oc, lenga d'aur, langue d'or et langue de poésie.


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